Danse et queer : du cabaret à la discothèque. Rôles et influences des scènes non institutionnelles sur les esthétiques chorégraphiques queer contemporaines

date limite: 
dates:  -
lieu:  Centre national de la danse (Pantin)

Cette rencontre scientifique, organisée par l’Atelier des doctorants en danse, sera consacrée aux relations entre danse et queer, et plus spécifiquement à la manière dont les scènes chorégraphiques contemporaines puisent dans le potentiel esthétique et politique des scènes non institutionnelles pour mettre en œuvre une esthétique queer.

Objets d’étude depuis maintenant une dizaine d’années, les esthétiques queer échappent aux tentatives de définition susceptibles de les figer. Toutefois, certaines caractéristiques permettent d’en dessiner les contours : la présence du queer en art a pour effet de « jeter le trouble sur les représentations du corps, des identités, et des sexualités1 ». Ce trouble se manifeste par la présence sur scène de corporéités qui, sans nier la réalité matérielle du corps, n’entrent pas, entre autres, dans les normes de genre, plus largement, dans les « catégories » (homme/femme, féminin/masculin, humain/animal, etc.). Ces corporéités apparaissent souvent au sein de mises en scène anti-illusionnistes, caractérisées par l’artificialité, la théâtralité et l’hétérogénéité, où les frontières entre les arts, et parfois celles entre l’art et la vie, sont brouillées. À ce titre la danse, entendue ici sous sa forme scénique, et en particulier la danse contemporaine, « a en commun avec une praxis queer qu’elle [peut] s’oppose[r] à toute conception essentialiste d’un corps “originaire”, “absolu” ou “universel”2 ». Dans Sexe, genre et sexualité, Elsa Dorlin définit la praxis queer telle qu’elle s’est développée dans les cabarets et les nightclubs de Harlem à partir des années 1920, et montre comment, par un effet de « codification », elle a opéré un glissement vers une esthétique, en « fonction[nant] sur la mise en scène décalée, exubérante, parodique, des normes dominantes en matière de sexe, de sexualité et de couleur3 ». Or, il nous semble que cette praxis, non seulement s’étend à d’autres scènes en marge des scènes institutionnelles de la création chorégraphique ou de la danse contemporaine, mais qu’elle inspire et nourrit les esthétiques des scènes chorégraphiques contemporaines.

En effet, la danse se trouve aussi (d’abord ?) en dehors de l’institution : dans les clubs, les défilés et carnavals, les bals, autant de pratiques dansantes populaires dont les origines ne datent pas d’aujourd’hui et qui constituent des espaces – à l’instar des cabarets de Harlem – propices à l’expression artistique et politique et à la représentation des populations minorisées. Depuis les années 1990, ces scènes, qui appartiennent pour beaucoup au « monde de la nuit », font l’objet d’une récupération par la culture dominante et savante, à partir de laquelle les esthétiques queer sont théorisées. Il paraît donc nécessaire, à l’heure où le terme queer fleurit sur nombre de feuilles de salles, d’interroger ces relations à l’œuvre entre scènes informelles et scènes institutionnelles. Le queer perd-il de son potentiel politique dès lors qu’il est acclamé sur une scène nationale ? Ou, au contraire, la visibilité offerte par un.e chorégraphe (re)connu.e est-elle souhaitable, voire nécessaire, d’un point de vue politique ? Quels transferts esthétiques se jouent dans le passage d’une scène à l’autre ? La question qui se pose est peut-être, d’abord, celle d’un changement d’enjeu politique : dans un cas, il s’agit d’espaces de représentation et de représentativité d’autres corporéités ; dans l’autre du « triple jeu4 » de l’art contemporain. S’il est fréquent que les chorégraphes des scènes queer contemporaines ne soient pas étranger.e.s à ces espaces « populaires » ou « underground », cela suffit-il à garantir une forme de dialogisme5 entre ces deux espaces d’expression et de représentation ? Enfin, dans le glissement d’un espace à l’autre, qu’en est-il du trouble créé en termes de représentations du genre et des sexualités, mais aussi en termes de frontières entre « savant » et « populaire », entre espaces « formels » et « informels », et enfin entre les arts ?

À partir de ces premières interrogations, plusieurs axes de réflexion s’offrent à nous, sans prétention à l’exhaustivité.

Consulter les axes dans l’appel détaillé ainsi que la bibliographie indicative.

 


Membres du comité scientifique

Pauline Boivineau, maîtresse de conférences en Arts du spectacle, Université catholique de l’Ouest.
Elsa Dorlin, professeure de Philosophie politique et contemporaine, Université Toulouse-Jean Jaurès.
Gilles Jacinto, docteur en Arts du spectacle et PAST à l’Université Toulouse-Jean Jaurès, responsable au pôle ressources professionnelles du Centre national de la danse
Hélène Marquié, professeure en Danse et Études de genre, Université Paris VIII.
Camille Paillet, chercheuse associée au Centre d’histoire sociale des mondes contemporains (CHS) à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.
Anne Pellus, maîtresse de conférences en Danse, Université Toulouse-Jean Jaurès.

Modalités de soumission

L’Atelier des doctorants en danse souhaite favoriser la pluridisciplinarité. Tou.te.s les jeunes chercheur.se.s ayant pour objet de recherche la danse, les pratiques chorégraphiques, et/ou les études de genre sont invité.e.s à soumettre une proposition de communication.

À travers un premier document anonyme, contenant :

– un titre de communication
– une proposition de 1 500 signes maximum
– une synthèse de communication de 400 signes maximum

Et un second document contenant :

–  une biographie de 400 signes maximum
–  votre/vos discipline(s), votre sujet et année de thèse, le nom de votre/vos directeur(s) de recherche ainsi que votre/vos université(s) et laboratoire(s) de rattachement.

Les informations demandées ci-dessus sont à fournir dans deux documents distincts.

Les soumissions sont à remettre pour le 15 septembre 2023 à l’adresse suivante : doctorantsendanse@gmail.com

Après réception, lecture et sélection des propositions par le comité scientifique, vous recevrez la réponse pour acceptation par courriel.


Une proposition du comité de l’Atelier des doctorants en danse
Pauline Boschiero, doctorante en Arts du spectacle, Université Toulouse-Jean Jaurès.
Anaïs Loyer, doctorante en Danse, Université Côte-d’Azur.
Marie Philippart, doctorante en Danse, Université Côte-d’Azur.

  1. PELLUS Anne, “Danse et queer : des affinités électives ?”, in PELLUS Anne (dir), Danse et politique : luttes, corporéités, performativités, Éditions Universitaires de Dijon (EUD), Dijon, 2020, p. 132.
  2. PELLUS Anne, « Le “bal des renversements” dans Baron samedi d’Alain Buffard. Hybridation artistique et subversion des identités sur la scène chorégraphique », in PLANA Muriel, SOUNAC Frédéric (dir), Esthétique(s) queer dans la littérature et les arts : sexualité et politiques du trouble, EUD, Dijon, 2015, p. 127.
  3. DORLIN Elsa, Sexe, genre et sexualité. Introduction à la théorie féministe, PUF, Paris, 2008, p. 109.